Dans les rayons « histoire » des librairies et des bibliothèques universitaires, les livres sur la seconde guerre mondiale sont à présent presque aussi nombreux que ceux consacrés à celle de 1914-1918. Ce qui n’est pas peu dire, tant « la Grande Guerre » a bénéficié de l’intérêt des historiens et continue aujourd’hui encore à les fasciner.
De fait, depuis quelques temps, il se publie quasiment chaque semaine plusieurs ouvrages sur le conflit de 1940-1945, dans toutes les langues, mais tout particulièrement en anglais. La plupart d’entre eux sont de très bonne qualité, et certains vraiment exceptionnels. L’un de ceux-ci, Liberation: The Bitter Road to Freedom, Europe 1944-1945, par l’historien américain William I. Hitchcock, vient de sortir en format paperback. Je l’ai lu d’une traite, touché et troublé comme je l’avais rarement été par un livre d’histoire.
Dans les discours des leaders militaires et politiques de l’époque, et même ceux de leurs homologues contemporains, la libération de l’Europe par les troupes alliées, de juin 44 à mai 45, est le plus souvent présentée comme un enchaînement d’exploits héroïques accomplis pour la meilleure des causes, une campagne extraordinairement dure et sanglante, certes, mais dont le prix élevé en vie humaines et en souffrances était largement justifié par la noblesse de l’objectif.
Cette campagne, William I. Hitchcock a toutefois choisi de la raconter, non du point de vue des généraux, des stratèges et des présidents, mais de celui des anonymes et des sans-grade, les soldats ordinaires et les populations civiles, pour lesquelles la Libération, souligne-t-il, a été davantage et bien autre chose que la fête continue et l’explosion d’allégresse sous la forme desquelles elle apparaît dans les exposés officiels et l’imagerie populaire, les films et les romans dont l’intrigue se situe à cette époque, et même les récits que nous en ont fait nos parents sur la base de ce qu’ils ont décidé de retenir. L’image qui en résulte est bien différente. La Libération, fait valoir Hitchcock, fut en réalité un processus pénible, douloureux et dramatique, la fin de la guerre bien davantage que le début de l’après-guerre, une dernière phase du conflit tout aussi remplie d’horreurs que les autres, dans de nombreux cas plus atroce encore que celles qui l’avaient précédée.
Pour réaliser son entreprise, l’historien américain a exploité une quantité étonnante de documents inédits et de matériel non publié : archives militaires, journaux et correspondances, témoignages, transcriptions de souvenirs. C’est cela qui fait toute l’originalité et l’intérêt de son livre, bien davantage que le dévoilement de faits ignorés ou cyniquement passés sous silence : une des faiblesses de l’ouvrage, ont fait remarquer à juste titre certains commentateurs, est en effet la prétention de l’auteur à faire enfin la vérité sur des épisodes peu glorieux, que d’autres historiens s’étaient en réalité déjà employés à mettre en lumière.
C’est aussi ce qui explique qu’on sort si bouleversé de la lecture de ces pages : Hitchcock fait entendre les voix de tous ceux qui subissent l’Histoire bien davantage qu’ils ne la font. Un peu comme Orlando Figes dans son dernier livre, The Whisperers, consacré à la vie quotidienne dans l’Union soviétique à l’époque de Staline, mais de manière plus convaincante, parce qu’il tient le fil conducteur de son récit de manière bien plus ferme, ne laisse jamais celui-ci se réduire à une accumulation d’anecdotes, et fait systématiquement le lien entre l’histoire des décisions politiques et celle de leurs conséquences sur le terrain : entre ce qui s’est déterminé au quartier général allié à Londres ou à la conférence de Téhéran, et ce qui en est résulté pour les populations « libérées ».
William I. Hitchcock ne raconte pas toute la Libération, un seul livre n’aurait pas suffi. Il ne s’attarde pas, par exemple, sur les excès de l’épuration en France, et ne mentionne pas ce qui a suivi le débarquement allié dans le sud de l’Italie, que l’on connaît notamment par le roman La peau de Curzio Malaparte ou par la relation qu’en a donnée le travel writer Norman Lewis dans son livre Naples 44.
S’appuyant en partie sur ses travaux antérieurs, il se concentre sur certains aspects et quelques épisodes, en commençant par le débarquement allié en Normandie, dont il met en évidence un aspect longtemps sous-estimé : après lui, mais de manière encore plus développée, Antony Beevor, dans son dernier livre D-Day, vient de montrer combien cette opération avait été épouvantable pour les soldats alliés, mais, plus encore, pour la population de la région.
Dans des termes tout aussi réalistes et terribles, Hitchcock évoque également l’offensive des Ardennes : le froid, la boue, le sang, les membres gelés et les cadavres éventrés et dévorés par les sangliers, la contre-offensive allemande et les massacres punitifs de femmes, d’enfants et de vieillards à Stavelot et Malmédy.
Tout un chapitre est consacré à la terrible famine et aux épidémies qui ont décimé la population hollandaise, et un autre aux horreurs qui ont accompagné la retraite des troupes allemande en Europe orientale et l’irrésistible progression de l’armée rouge jusqu’à Berlin : des centaines de milliers de réfugiés sur les routes, une interminable série de pillages, de destructions et de massacres, et des viols en masse et répétés, par des soudards ivres et sauvages.
William I. Hitchcock ne pouvait pas passer sous silence la terrifiante campagne de « bombardement stratégique » des villes allemandes (Dresden, Bremen, Hamburg, Cologne), menée par les alliés à l’initiative de la Royal Air Force anglaise avec le soutien notoire de Churchill, un sinistre épisode sur lequel ont récemment attiré l’attention plusieurs ouvrages : Dresden de l’historien Frederick Taylor, Among The Death Cities, du philosophe A.C. Grayling, Der Brand, de Jörge Friedrich et Luftkrieg und Literatur de l’écrivain W.G. Sebald. De trois cent mille à un demi-million de morts selon les estimations, écrasés sous les décombres, brûlés vifs dans les bâtiments en flammes ou rôtis dans les abris souterrains où les habitants se réfugiaient, trop peu profonds pour leur permettre d’échapper à la chaleur de six cents degrés engendrée au cœur des villes par les bombardements en tapis et les bombes au napalm.
Enfin, il y a bien sûr la libération des camps de concentration. Traumatisante pour les libérateurs, dégoûtés par l’odeur de morts en décomposition et celle, omniprésente, des excréments humains, choqués par le spectacle des milliers de cadavres entassés, mais aussi celui des squelettes vivants dont le devoir de compassion les obligeait à s’occuper, en surmontant leur répugnance. Traumatisante aussi pour les libérés, hébétés, affamés, perdus, souvent malades, se tenant à peine debout, honteux de l’aspect indigne qu’ils offraient et découvrant qu’ils avaient tout perdu, sauf la vie chétive et tremblante qui leur restait, à commencer, souvent, par les membres de leur famille. Hitchcock nous restitue de manière poignante l’état d’esprit de ces survivants, à l’aide de témoignages anonymes et d’extraits choisis des œuvres littéraires célèbres inspirées par l’expérience des camps, comme les livres de Primo Levi ou de Robert Antelme. Et il met en lumière l’effet des atermoiements des autorités alliées au sujet du sort des Juifs, qui eurent pour conséquence de faire croupir durant des mois des milliers d’entre eux dans des camps d’accueil établis sur le territoire allemand.
Même le retour au pays des déportés qui avaient survécu, comme celui des prisonniers de guerre ou des victimes du service de travail obligatoire, traditionnellement présenté comme l’emblème des joies de la Libération, n’a le plus souvent pas été une expérience véritablement heureuse. Les hommes et les femmes qui franchissaient la frontière dans le bon sens étaient affaiblis et amaigris, fréquemment malades ou blessés. Souvent, personne ne les attendait, parce que leurs proches avaient eux-mêmes été arrêtés ou étaient mort victimes de la pénurie, de la malnutrition ou des épidémies. Dans tous les cas, ils retrouvaient un pays très différent de celui qu’ils avaient quitté, appauvri, meurtri, exsangue, des concitoyens obsédés par leur propre malheur et crispés sur leurs propres besoins, qui ne croyaient qu’à moitié ce qu’ils leur disaient au sujet de de ce qu’ils avaient subi en captivité et rapidement peu disposés, passé le moment joyeux des retrouvailles, à leur accorder beaucoup d’attention.
Encore avaient-ils la chance d’être chez eux et libres. Pour des milliers d’hommes et de femmes russes, forcés de travailler durant des années dans les usines d’armement de la Werchmarcht, la Libération n’a consisté qu’à échanger un camp pour un autre, un des camps du Goulag sibérien où le régime stalinien s’est empressé de les envoyer, au motif qu’ils avaient trahi le pays en se mettant au service de l’ennemi. Ceci avec l’assentiment des alliés occidentaux, soucieux avant tout du sort des miltaires américains et anglais tombés dans les mains soviétiques : quand le sort s’acharne sur certaines personnes, il le fait vraiment sans merci.
Devant une telle litanie de misères et de souffrances, de vies interrompues, brisées ou mutilées à jamais, difficile de penser autre chose que : « pauvres, pauvres gens ». Et sachant que ce qui se passait ainsi il y a un peu plus de soixante ans en Europe continue à se dérouler aujourd’hui à l’identique en de multiples endroits du monde, impossible que ne vous vienne à l’esprit les mots de Prévert dans son poème Barbara, expression en mots très simples d’un constat rageur et accablé : « Quelle connerie la guerre ».
A tous ceux qui s’interrogent sur ce qu’a été, au bout du compte, la Libération, on ne peut en tout cas donner de meilleur conseil que celui de lire le livre de William I. Hitchcock, dont la réponse qu’il donne à la question posée est parfaitement résumée dans le dernier paragraphe de l’ouvrage : « The liberation of Europe will always inspire us, for it contains a multitude of heroic and noble acts, and as it was at its core an honorable struggle to emancipate millions of people from a vile and barbaric regime. But […] when considering the history of Europe’s liberation, we [should] not lose sight of the human costs that this epic contest exacted upon defenless peoples and ordinary lives. There is surely room enough, in our histories of World War II, for introspection, humility, and for an abiding awareness of the dreadful ugliness of war ».
De fait, depuis quelques temps, il se publie quasiment chaque semaine plusieurs ouvrages sur le conflit de 1940-1945, dans toutes les langues, mais tout particulièrement en anglais. La plupart d’entre eux sont de très bonne qualité, et certains vraiment exceptionnels. L’un de ceux-ci, Liberation: The Bitter Road to Freedom, Europe 1944-1945, par l’historien américain William I. Hitchcock, vient de sortir en format paperback. Je l’ai lu d’une traite, touché et troublé comme je l’avais rarement été par un livre d’histoire.
Dans les discours des leaders militaires et politiques de l’époque, et même ceux de leurs homologues contemporains, la libération de l’Europe par les troupes alliées, de juin 44 à mai 45, est le plus souvent présentée comme un enchaînement d’exploits héroïques accomplis pour la meilleure des causes, une campagne extraordinairement dure et sanglante, certes, mais dont le prix élevé en vie humaines et en souffrances était largement justifié par la noblesse de l’objectif.
Cette campagne, William I. Hitchcock a toutefois choisi de la raconter, non du point de vue des généraux, des stratèges et des présidents, mais de celui des anonymes et des sans-grade, les soldats ordinaires et les populations civiles, pour lesquelles la Libération, souligne-t-il, a été davantage et bien autre chose que la fête continue et l’explosion d’allégresse sous la forme desquelles elle apparaît dans les exposés officiels et l’imagerie populaire, les films et les romans dont l’intrigue se situe à cette époque, et même les récits que nous en ont fait nos parents sur la base de ce qu’ils ont décidé de retenir. L’image qui en résulte est bien différente. La Libération, fait valoir Hitchcock, fut en réalité un processus pénible, douloureux et dramatique, la fin de la guerre bien davantage que le début de l’après-guerre, une dernière phase du conflit tout aussi remplie d’horreurs que les autres, dans de nombreux cas plus atroce encore que celles qui l’avaient précédée.
Pour réaliser son entreprise, l’historien américain a exploité une quantité étonnante de documents inédits et de matériel non publié : archives militaires, journaux et correspondances, témoignages, transcriptions de souvenirs. C’est cela qui fait toute l’originalité et l’intérêt de son livre, bien davantage que le dévoilement de faits ignorés ou cyniquement passés sous silence : une des faiblesses de l’ouvrage, ont fait remarquer à juste titre certains commentateurs, est en effet la prétention de l’auteur à faire enfin la vérité sur des épisodes peu glorieux, que d’autres historiens s’étaient en réalité déjà employés à mettre en lumière.
C’est aussi ce qui explique qu’on sort si bouleversé de la lecture de ces pages : Hitchcock fait entendre les voix de tous ceux qui subissent l’Histoire bien davantage qu’ils ne la font. Un peu comme Orlando Figes dans son dernier livre, The Whisperers, consacré à la vie quotidienne dans l’Union soviétique à l’époque de Staline, mais de manière plus convaincante, parce qu’il tient le fil conducteur de son récit de manière bien plus ferme, ne laisse jamais celui-ci se réduire à une accumulation d’anecdotes, et fait systématiquement le lien entre l’histoire des décisions politiques et celle de leurs conséquences sur le terrain : entre ce qui s’est déterminé au quartier général allié à Londres ou à la conférence de Téhéran, et ce qui en est résulté pour les populations « libérées ».
William I. Hitchcock ne raconte pas toute la Libération, un seul livre n’aurait pas suffi. Il ne s’attarde pas, par exemple, sur les excès de l’épuration en France, et ne mentionne pas ce qui a suivi le débarquement allié dans le sud de l’Italie, que l’on connaît notamment par le roman La peau de Curzio Malaparte ou par la relation qu’en a donnée le travel writer Norman Lewis dans son livre Naples 44.
S’appuyant en partie sur ses travaux antérieurs, il se concentre sur certains aspects et quelques épisodes, en commençant par le débarquement allié en Normandie, dont il met en évidence un aspect longtemps sous-estimé : après lui, mais de manière encore plus développée, Antony Beevor, dans son dernier livre D-Day, vient de montrer combien cette opération avait été épouvantable pour les soldats alliés, mais, plus encore, pour la population de la région.
Dans des termes tout aussi réalistes et terribles, Hitchcock évoque également l’offensive des Ardennes : le froid, la boue, le sang, les membres gelés et les cadavres éventrés et dévorés par les sangliers, la contre-offensive allemande et les massacres punitifs de femmes, d’enfants et de vieillards à Stavelot et Malmédy.
Tout un chapitre est consacré à la terrible famine et aux épidémies qui ont décimé la population hollandaise, et un autre aux horreurs qui ont accompagné la retraite des troupes allemande en Europe orientale et l’irrésistible progression de l’armée rouge jusqu’à Berlin : des centaines de milliers de réfugiés sur les routes, une interminable série de pillages, de destructions et de massacres, et des viols en masse et répétés, par des soudards ivres et sauvages.
William I. Hitchcock ne pouvait pas passer sous silence la terrifiante campagne de « bombardement stratégique » des villes allemandes (Dresden, Bremen, Hamburg, Cologne), menée par les alliés à l’initiative de la Royal Air Force anglaise avec le soutien notoire de Churchill, un sinistre épisode sur lequel ont récemment attiré l’attention plusieurs ouvrages : Dresden de l’historien Frederick Taylor, Among The Death Cities, du philosophe A.C. Grayling, Der Brand, de Jörge Friedrich et Luftkrieg und Literatur de l’écrivain W.G. Sebald. De trois cent mille à un demi-million de morts selon les estimations, écrasés sous les décombres, brûlés vifs dans les bâtiments en flammes ou rôtis dans les abris souterrains où les habitants se réfugiaient, trop peu profonds pour leur permettre d’échapper à la chaleur de six cents degrés engendrée au cœur des villes par les bombardements en tapis et les bombes au napalm.
Enfin, il y a bien sûr la libération des camps de concentration. Traumatisante pour les libérateurs, dégoûtés par l’odeur de morts en décomposition et celle, omniprésente, des excréments humains, choqués par le spectacle des milliers de cadavres entassés, mais aussi celui des squelettes vivants dont le devoir de compassion les obligeait à s’occuper, en surmontant leur répugnance. Traumatisante aussi pour les libérés, hébétés, affamés, perdus, souvent malades, se tenant à peine debout, honteux de l’aspect indigne qu’ils offraient et découvrant qu’ils avaient tout perdu, sauf la vie chétive et tremblante qui leur restait, à commencer, souvent, par les membres de leur famille. Hitchcock nous restitue de manière poignante l’état d’esprit de ces survivants, à l’aide de témoignages anonymes et d’extraits choisis des œuvres littéraires célèbres inspirées par l’expérience des camps, comme les livres de Primo Levi ou de Robert Antelme. Et il met en lumière l’effet des atermoiements des autorités alliées au sujet du sort des Juifs, qui eurent pour conséquence de faire croupir durant des mois des milliers d’entre eux dans des camps d’accueil établis sur le territoire allemand.
Même le retour au pays des déportés qui avaient survécu, comme celui des prisonniers de guerre ou des victimes du service de travail obligatoire, traditionnellement présenté comme l’emblème des joies de la Libération, n’a le plus souvent pas été une expérience véritablement heureuse. Les hommes et les femmes qui franchissaient la frontière dans le bon sens étaient affaiblis et amaigris, fréquemment malades ou blessés. Souvent, personne ne les attendait, parce que leurs proches avaient eux-mêmes été arrêtés ou étaient mort victimes de la pénurie, de la malnutrition ou des épidémies. Dans tous les cas, ils retrouvaient un pays très différent de celui qu’ils avaient quitté, appauvri, meurtri, exsangue, des concitoyens obsédés par leur propre malheur et crispés sur leurs propres besoins, qui ne croyaient qu’à moitié ce qu’ils leur disaient au sujet de de ce qu’ils avaient subi en captivité et rapidement peu disposés, passé le moment joyeux des retrouvailles, à leur accorder beaucoup d’attention.
Encore avaient-ils la chance d’être chez eux et libres. Pour des milliers d’hommes et de femmes russes, forcés de travailler durant des années dans les usines d’armement de la Werchmarcht, la Libération n’a consisté qu’à échanger un camp pour un autre, un des camps du Goulag sibérien où le régime stalinien s’est empressé de les envoyer, au motif qu’ils avaient trahi le pays en se mettant au service de l’ennemi. Ceci avec l’assentiment des alliés occidentaux, soucieux avant tout du sort des miltaires américains et anglais tombés dans les mains soviétiques : quand le sort s’acharne sur certaines personnes, il le fait vraiment sans merci.
Devant une telle litanie de misères et de souffrances, de vies interrompues, brisées ou mutilées à jamais, difficile de penser autre chose que : « pauvres, pauvres gens ». Et sachant que ce qui se passait ainsi il y a un peu plus de soixante ans en Europe continue à se dérouler aujourd’hui à l’identique en de multiples endroits du monde, impossible que ne vous vienne à l’esprit les mots de Prévert dans son poème Barbara, expression en mots très simples d’un constat rageur et accablé : « Quelle connerie la guerre ».
A tous ceux qui s’interrogent sur ce qu’a été, au bout du compte, la Libération, on ne peut en tout cas donner de meilleur conseil que celui de lire le livre de William I. Hitchcock, dont la réponse qu’il donne à la question posée est parfaitement résumée dans le dernier paragraphe de l’ouvrage : « The liberation of Europe will always inspire us, for it contains a multitude of heroic and noble acts, and as it was at its core an honorable struggle to emancipate millions of people from a vile and barbaric regime. But […] when considering the history of Europe’s liberation, we [should] not lose sight of the human costs that this epic contest exacted upon defenless peoples and ordinary lives. There is surely room enough, in our histories of World War II, for introspection, humility, and for an abiding awareness of the dreadful ugliness of war ».